Chez les quatre filles du Dr. March, la guerre civile n’aura pas lieu

À propos des Quatre filles du docteur March (Little Women) de Louisa May Alcott

 Les 4 filles du docteur March-1

Entre réalisme et bons sentiments, Alcott rédige avec Les Quatre filles du docteur March un traité moraliste sur l’amour comme seule protection contre la guerre qui fait rage à l’extérieur

Dans un épisode de la 3e saison de la série Friends, Rachel et Joey s’échangent leurs livres de chevet : elle se lance dans l’imaginaire de Shining et lui pénètre l’univers réaliste de Little Women. Deux classiques de la littérature américaine, mais dans des genres bien opposés – quoique. Terrifiant, Shining finit régulièrement dans le congélateur où Joey le cache pour n’avoir plus à subir ses effets inquiétants – c’est d’ailleurs là que Rachel le découvre. C’est le bouquin le plus flippant qu’il ait jamais lu. Mais, confronté aux aventures domestiques des quatre filles du docteur March, laissées seules à la maison avec leur mère pendant que le chapelain fait son office dans les rangs de l’Union pendant la guerre de Sécession, Joey se rend compte que l’horreur n’a pas nécessairement besoin de fantômes et de monstres pour s’exprimer. À peine a-t-il débuté le chapitre qui voit Beth tomber gravement malade que Little Women, mis sur un pied d’égalité avec le roman de Stephen King, file tout droit au congélateur. Il y a différentes sortes d’horreur.

La scène fait sourire tous ceux qui ont un jour lu Les Quatre filles du docteur March, et même ceux qui en connaissent seulement les grandes lignes. Un peu comme on connaît les grands classiques de la littérature mondiale quand bien même on ne les aurait jamais ouverts (les ouvrages qui entrent dans cette catégorie, je crois, sont très nombreux). La réputation du roman de Louisa May Alcott précède sa lecture aussi bien que l’éclair précède le tonnerre.

Dire qu’il s’agit d’un bouquin « gentillet » et « naïf » et « bienveillant » serait faire preuve d’euphémisme caractérisé. Quand on se lance dans pareil opus, et en anglais s’il vous plaît (dans la belle édition britannique de chez Collins Classics), on peut éprouver un mal fou à franchir la barre des premiers chapitres. Et pas à cause du texte en V.O., bien que certains termes, appartenant au passé, ne soient pas aisés à comprendre pour un angliciste lambda. Non, les difficultés naissent de la quantité de guimauve qu’il faut avaler en quelques heures, comme d’être ébloui par trop de soleil d’un seul coup d’œil.

C’est que la famille March est parfaite – un peu trop. Parfaite. Lisse, compassionnelle, empathique, généreuse et pieuse. Si chacune des sœurs possède son caractère, ses talents et même – oui ! – ses failles, toutes se révèlent adorables, soucieuses du bien des autres, altruistes jusqu’à la nausée. Tout mauvais comportement est étouffé dans l’œuf par l’effet d’une introspection morale immédiate : à la fin de chaque chapitre ou presque, les filles sont invitées à faire amende honorable pour leurs faits et gestes récents, et trouvent dans cet instant de pénitence autour de la cheminée, face à leur maman-confesseur, l’occasion d’expier leurs péchés (le plus souvent, une pensée indélicate, des désirs normatifs ou, dans le cas de Meg, l’aînée, une légère indisposition due au champagne après un bal aristocratique).

Les 4 filles du docteur March-4.jpg.crdownload

Souvenons-nous de la genèse de cet étonnant roman : c’est à la demande de son éditeur Thomas Niles que Louisa May Alcott, en 1868, rédigea une douzaine de chapitres d’un livre explicitement destiné à un lectorat de jeunes filles. Lorsqu’elle envoyé lesdits chapitres à Niles, tous deux s’accordèrent à les trouver fades et ennuyeux. Mais le miracle advint en la personne de la nièce de l’éditeur qui, après les avoir dévorés, exprima son entière satisfaction ; plus tard, les jeunes filles auxquelles fut soumis le manuscrit complet réagirent de même, et le succès de Little Women fut aussi immédiat que retentissant, à la surprise de l’auteur comme de son éditeur. Trois mois après la publication du volume chez Robert Brothers, Alcott présenta à Niles le deuxième manuscrit, le 1er janvier 1869, contenant la suite directe des aventures des quatre filles, de leur mère et de la gouvernante Hannah. Depuis, les deux ouvrages sont généralement réunis en un seul volume.

Louisa May Alcott naît en Pennsylvanie, en 1832. Elle grandit dans le climat intellectuel enthousiasmant qui est celui de l’American Renaissance, une période littéraire théorisée par F.O. Matthiessen et comprenant, dans sa première expression, des œuvres publiées au milieu du XIXe siècle par Nathaniel Hawthorne, Herman Melville ou Walt Whitman. Son père Bronson Alcott est un autodidacte, philosophe de son état, pédagogue à ses heures ; il côtoie Henry David Thoreau et Ralph Waldo Emerson. Sa mère, Abigail May, est issue de l’establishment bostonien et transmet à sa fille par son féminisme résolu – un trait de caractère que la critique féministe américaine retrouvera évidemment dans Little Women, considérant le roman comme l’un des premiers modèles du genre. En outre, la famille May Alcott est tout à fait abolitionniste : Abigail se fait aider de ses filles pour organiser des ateliers d’alphabétisation destinés aux femmes noires.

En somme – on le comprend à travers ces brefs éléments biographiques – Little Women est un roman d’inspiration autobiographique. D’abord parce qu’il est ouvertement féministe, via le personnage de Jo surtout. Josephine, la deuxième de la fratrie après Meg, est aussi le plus garçon manqué de toutes les filles March, et celle qui refuse le mieux de se soumettre aux convenances d’une société essentiellement patriarcale. Selon elle, il n’y a rien que les hommes fassent que les femmes ne puissent pas faire également. Sa relation d’amitié avec Laurie, voisin des March et fils du riche M. Laurence, symbolise bien cette inversion générique : si le Joey de Friends confond Jo avec un garçon et Laurie avec une fille, c’est parce qu’Alcott a volontairement emberlificoté le lecteur en jouant sur les prénoms pour illustrer le caractère plus masculin de Jo et celui, plus féminin, de Laurie.

Ensuite, parce que l’abolitionnisme y trouve une place de choix, bien qu’indirecte, à travers le contexte de la guerre de Sécession : si le père March est absent, c’est parce qu’il accompagne les troupes unionistes et se bat (même si ce n’est pas physiquement) contre les sécessionnistes du Sud. Et s’il s’est élevé contre eux, et du côté des Nordistes, c’est pour assurer la sauvegarde de l’Union – volonté ô combien lincolnienne – mais aussi en faveur de la libération des esclaves.

Les 4 filles du docteur March-2.jpg.crdownload

Enfin, parce que l’auteur s’est inspirée du caractère de ses propres sœurs – elles étaient quatre filles Alcott en tout, bien sûr – pour forger ses personnages. Anna est Meg, Lizzie (décédée à l’âge de 23 ans) est Beth, celle qui manque mourir à cause de la scarlatine, et May est Amy (l’anagramme est ici plus que lisible, n’est-ce pas ?). Quant à Jo la battante, Jo l’imprévisible qui travaille dur à contenir ses effusions, Jo la forte tête de la famille, elle est identifiée à Louisa May Alcott elle-même. Il n’était pas rare que les lecteurs, dans leur courrier, s’adressent à elle en tant que « Miss March » ou « Jo », et elle ne les corrigeait pas.

Le succès retentissant du livre peut s’expliquer par la manière dont le portrait des quatre filles permet aux lectrices de s’identifier aisément à l’une ou l’autre des sœurs, quelle que soit leur origine sociale ou leur identité ethnique. Dans cette période de forte immigration qui suivit la guerre civile américaine, chaque jeune femme, même venue de loin, pouvait se reconnaître dans la quête d’indépendance et le refus des conventions génériques traduits dans le roman. C’est une autre façon de dire que Louisa May Alcott a écrit, avec Little Women, un roman proprement universel – et, osons le dire, intemporel.

Surtout, il nous semble que l’ouvrage peut être lu de façon purement métaphorique. Dans le contexte de la guerre de Sécession, la notion d’Union nationale fait autorité sur tout le reste – Lincoln a décrété que c’était son premier objectif, bien avant l’émancipation des esclaves (du moins, dans un premier temps, jusqu’à la Proclamation d’émancipation du 1er janvier 1863). Et quelle meilleure structure donner à l’Union que celle de la cellule familiale elle-même ? Le bastion constitué par la fratrie March, avec la maman en guise d’autorité morale compétente, s’élève contre la barbarie de la guerre et les conservatismes incarnés par le Sud aussi bien, et avec autant d’efficacité, que ne le font les troupes unionistes sur les différents fronts. De sorte qu’à chaque fin de chapitre, quand arrive ce moment où l’une des filles confesse à sa mère sa mauvaise attitude du jour, il s’agit moins d’y voir une expression moralisatrice qu’une consolidation des vertus nationales, illustrées par les sœurs March.

Les 4 filles du docteur March-3.jpg.crdownload

De fait, chaque sœur personnifie une vertu américaine indispensable en temps de guerre pour résister aux effets collatéraux du conflit et renforcer l’unité familiale comme on renforce les charpentes de la maison pour ne pas qu’elle s’écroule. Meg est tentée par un romantisme fantasmé mais parvient quand il le faut à remettre les pieds sur terre. Jo se rebelle contre les préjugés et les traditions, mais elle sait aussi pardonner quand c’est nécessaire – comme elle pardonne à sa sœur Amy après que celle-ci a détruit son manuscrit. Beth parvient, à force d’abnégation, à dépasser sa timidité maladive, à tel point qu’à son retour, leur père ne reconnaît plus la jeune fille fragile qu’il a laissée un an plus tôt. Quant à Amy, la petite peste, elle arrive tant bien que mal à juguler son égoïsme pour mieux donner aux autres. Chacune d’elle fait tour à tour preuve de réalisme (Meg), de tempérance (Jo), de courage (Beth) et d’altruisme (Amy), soit tout ce qu’il faut à l’Amérique pour se dresser contre la terreur. Et tout ça au sein d’une même maison qui doit absolument résister à la désagrégation ; car, comme le disait Lincoln dans un célèbre discours, « Une maison divisée contre elle-même ne peut tenir debout ». Pour qu’elle tienne le choc, il faut bien l’enthousiasme et la générosité de ces quatre espiègles gamines qu’Alcott a immortalisée. Certes dans un roman naïf et trop sucré, mais humain, tellement humain.

 Eric Nuevo

(Les illustrations sont tirées des films de George Cukor (1933) et de Gillian Armstrong (1994).)

« Contact » : l’Univers, ce beau gâchis d’espace

« Si nous étions seuls dans l’Univers, ce serait un beau gâchis d’espace »

1366x768_filesize348kb

En 1985, la sortie d’un roman de science-fiction titré Contact chamboule gentiment quelques institutions. L’édition, tout d’abord, car son auteur aurait touché près de deux millions de dollars avant même d’avoir rédigé une ligne – l’avance la plus élevée jamais versée – de la part de la maison new-yorkaise Simon & Schuster. La littérature de science-fiction, ensuite, car Contact ne ressemble pas vraiment aux romans traditionnellement rattachés à un genre qui, globalement, ne brille pas par la qualité de son style. (Moi-même étant grand fan de science-fiction, je dois avouer que j’ai croisé peu de romanciers qui eussent une vraie « patte », en dehors de phénomènes ponctuels : Herbert George Wells, Jules Verne, René Barjavel, Robert Silverberg (je pense surtout à Gilgamesh, roi d’Uruk, qui n’appartient précisément pas au domaine de la S-F ; ou aux Monades urbaines, qui lui en est bel et bien, de la S-F), Clifford Simack, Ira Levin, ou plus récemment Alain Damasio – mais j’en oublie sans doute. Quant à Philip K. Dick, Isaac Asimov et Arthur C. Clarke, si leurs récits sont souvent parmi les meilleurs jamais écrits, leurs qualités intrinsèques tiennent surtout à leur inventivité et leur rythme narratif, et pas tellement à la profondeur du style.) Le dernier chamboulement concerne la science elle-même. Car s’il est plutôt commun de voir des scientifiques confirmés se servir de leur plume pour imaginer un futur délirant (Clarke, Asimov) ou plus réaliste (Stephen Baxter), rares sont ceux qui, jusque là, avaient aussi talentueusement mêlé science, croyance, fiction et émotion dans un même ouvrage. Le succès est au rendez-vous pour ce qui restera l’unique roman de son auteur : 1,7 millions de copies sont vendues dans les deux ans. Par un curieux retournement de situation, ce livre, qui fut initié en 1979 sous la forme d’un scénario, auquel la légende veut que Francis Ford Coppola ait participé, puis transformé en roman suite à la clôture du projet, sera adapté au cinéma en 1997 par Robert Zemeckis, un réalisateur que la science-fiction connaît bien (Retour vers le futur, est-il besoin de le rappeler ?).

sagan_contact550

Il convient, en premier lieu, de présenter correctement ledit auteur. Astronome, astrophysicien et cosmologiste, professeur d’astronomie à l’université Cornell (État de New York), connu pour son agnosticisme « einsteinien » (il aimait à penser, à la manière panthéiste d’Albert Einstein et de Spinoza avant lui, que ce que nous appelons « Dieu » répond à l’assemblage de toutes les lois de la physique, assemblage suffisamment merveilleux en tant que tel pour n’avoir pas besoin d’être personnifié sous la forme d’un vieillard omnipotent – et caractériel – à barbe blanche) ainsi que pour son scepticisme vis-à-vis de ce qui touche au paranormal, Carl Sagan est l’homme d’un unique roman et d’une vingtaine d’ouvrages de vulgarisation scientifique, et le promoteur de la série documentaire Cosmos, inspirée de l’un de ses essais. Il est aussi le concepteur d’un concept que tout le monde connaît, même vaguement : le fameux « calendrier cosmique » qui englobe les 14 milliards d’années d’évolution de l’Univers en une seule année terrestre, à des fins de compréhension relative. Chaque jour de ce calendrier cyclopéen vaut environ 37,8 millions d’années, rien que ça. À une telle échelle, et si le Big Bang correspond à la première seconde de l’année, le système solaire et ses planètes se sont formés en septembre, les dinosaures se sont éteints le 30 décembre, et les premières cités de Mésopotamie se sont élevées approximativement 15 secondes avant minuit. La question de l’échelle de l’Univers n’est d’ailleurs pas anodine dans le parcours intellectuel du jeune Carl Sagan, qui relate cette anecdote sur sa première visite dans une bibliothèque, à l’âge de cinq ans : « J’entrai dans la bibliothèque et réclamai un livre à propos des étoiles… Et la réponse fut stupéfiante. Il s’avérait que le Soleil était une étoile, mais très proche. Les étoiles étaient des soleils, tellement éloignés qu’ils n’apparaissaient que sous la forme de petits points de lumière… L’échelle de l’univers s’ouvrit soudain à moi. C’était une sorte d’expérience religieuse. Il y avait, dans l’univers, de la magnificence, de la grandeur, des dimensions qui ne m’ont jamais quitté – au grand jamais. » (Carl Sagan : A Life, par Keay Davidson) La notion d’expérience religieuse à travers la science est essentielle chez lui et forme le nœud fondamental de son roman Contact. En tant qu’agnostique, il ne refusait certes pas l’émotion spirituelle, mais dans un sens plus vaste que celui, très dogmatique, auquel les thuriféraires aiment à la cantonner. Il expliquait volontiers que « (…) non seulement la science et la spiritualité ne sont pas incompatibles, mais la science est elle-même une source profonde de spiritualité. Lorsque nous considérons notre position dans une immensité faite d’années-lumière et dans le passage des ères, lorsque nous saisissons la complexité, la beauté et la subtilité de la vie, alors cet envol émotionnel, ce sens combiné de l’exaltation et de l’humilité, est certainement spirituel. » (cité dans The Cosmic Perspective, multiples auteurs, Boston, 2009)

contact_5

Dans le roman, le personnage d’Ellie Arroway est un prolongement des traits caractéristiques de Sagan, tels que l’on peut les percevoir au travers de ses écrits. En prenant à rebours le paradigme narratif propre à une majorité des récits de science-fiction, paradigme qui confie le rôle principal à l’événement ou à l’objet plutôt qu’aux protagonistes, ceux-ci étant relégués au rang de simples spectateurs ou de symboles psychologiques simples (un seul exemple : dans un roman, néanmoins très réussi, comme Rendez-vous avec Rama d’Arthur C. Clarke, toute notre attention est captée par la visite du cylindre extraterrestre aux dépens d’être humains qui ne sont plus que les vecteurs pouvant assouvir la curiosité du lecteur ; quant aux trois suites rédigées en collaboration avec Gentry Lee, les personnages n’y sont plus que d’infâmes et insupportables clichés ethnocentristes, prisonniers d’une colonie humaine qui ne respecte rien et tente de s’approprier les territoires des autres races exogènes présentes dans le cylindre), en prenant à rebours ce paradigme, donc, Sagan impose Ellie comme l’intérêt premier de son roman, le catalyseur de toutes nos émotions. Les premières dizaines de pages, consacrées à l’enfance puis la jeunesse de son héroïne, sont symptomatiques de sa volonté de traduire, par le biais de cette femme au caractère bien trempé, les complexités (scientifiques, spirituelles, métaphysiques, psychologiques) du Cosmos dans son entier, Ellie étant à la fois l’Alpha et l’Omega du récit. La fabrication supposée de son identité découle d’ailleurs de ce syncrétisme : Ellie comme Eleanor Roosevelt, épouse du président Franklin D. Roosevelt ; et Arroway comme phonétiquement proche d’Arouet (François Marie), le véritable nom de Voltaire. (Rappelons que Voltaire écrivit, entre autres récits, la nouvelle Micromégas dans laquelle un géant venu de Sirius se balade de planète en planète jusqu’à tomber sur les minuscules et philosophes terriens, offrant une leçon d’humilité pour le XVIIIe siècle et bien au-delà.)

Contact_Machine_Hokaido

Le message et la machine, les deux pôles événementiels du roman, traduisent chez Ellie une recherche subjective de la spiritualité au sens où Sagan l’entend lorsqu’il parle d’« expérience religieuse ». La variété des objets astronomiques, l’immensité de l’Univers, l’infini des étoiles et des galaxies, la grandiloquence des distances stellaires, sont autant de phénomènes naturels qui concourent à une expérience du sacré, dont le corollaire terrestre serait la curiosité scientifique dont témoigne Ellie dès son plus jeune âge – lorsqu’elle bidouille une radio pour en comprendre le fonctionnement, avant, adulte, de travailler à l’amélioration des systèmes de détection des radiotélescopes. Une part importante du roman repose sur une dialectique conventionnelle opposant l’esprit scientifique – logique, rationnel et assoiffé de preuves concrètes – à l’esprit religieux – foi, croyance aveugle, obscurantisme – avec, en fond « sonore », la question de la présence divine dans le cosmos. Le message est-il une preuve de l’existence de Dieu – une voix venue du ciel – ou même de celle du Diable ? La prise de conscience d’une présence autre dans l’Univers nous isole-t-elle plus encore, ou nous élève-t-elle ? Mais en rognant progressivement les points problématiques de cette opposition, notamment via le personnage de Palmer Joss, pasteur, gourou, conseiller spirituel de la présidente des États-Unis et auteur à succès, qui trouve en Ellie une adversaire à la mesure de son insatiable soif de connaissances, Sagan brouille de plus en plus la frontière entre science et croyance. Le « retournement » final (les cinq passagers de la machine, après un voyage de 24 heures jusqu’au centre de la galaxie, découvrent que leur véhicule n’a jamais bougé au regard des spectateurs extérieurs, et que leur absence n’a duré qu’une vingtaine de minutes) place in fine Ellie dans la même position que Joss, dont elle aimait tant à dénigrer la croyance dénuée de fondements : sans preuves de son séjour dans la Gare Centrale de la galaxie (les bandes enregistrées sont toutes effacées, la machine n’a subi aucun dégât externe), prisonnière de son récit subjectif, dans lequel l’extraterrestre a pris la forme de son défunt père sur fond de décor de plage tropicale, la radioastronome comprend que certaines expériences ne sont pas scientifiquement prouvables, et qu’il faudrait, pour ses auditeurs, faire preuve de foi – une foi aveugle qui ne repose pas sur des faits – s’ils veulent partager celle-ci. Mais qu’on ne s’y trompe pas : l’auteur n’ironise pas sur ce changement de position, sur le mode « rira bien qui rira le dernier » ; il fait d’un extraordinaire voyage dans les étoiles l’expérience spirituelle absolue. Dans le film, que Robert Zemeckis a mis en scène en 1997 avec Jodie Foster dans le rôle principal, Ellie, seule pour ce voyage interstellaire, se trouve sans voix face aux merveilles étalées devant ses yeux – un système constitué de plusieurs soleils, des anneaux cyclopéens de débris, une lumière emplissant le ciel –, jusqu’à murmurer pour elle-même : « Il aurait fallu envoyer un poète ».

Ellie Arroway est le vecteur de notre regard : c’est elle qui voit, qui nous transmet et nous décrit les choses vues. Entrouvrant une porte que Zemeckis franchira allègrement (et sans retenue) dans son adaptation, Sagan manipule son héroïne afin qu’elle devienne, à notre place, la spectatrice de l’irréductible beauté du cosmos. Il tend ainsi à nous rappeler que, dans la vastitude du vide spatial qui nous entoure, notre petite planète bleue est un objet fragile, minuscule, qu’il faut chérir et protéger en nous chérissant et en nous protégeant nous-mêmes. Dans un essai intitulé Pale Blue Dot : A Vision of the Human Future in Space, en 1994, Sagan s’appuie sur une photo prise par la sonde Voyager en 1990, réduisant la Terre à un infime point bleu pâle (« pale blue dot ») prisonnier d’un rayon de Soleil, pour gloser sur notre petitesse et, conséquemment, sur la nécessité de partager ce morceau de terrain qui est le nôtre : « La Terre est une toute petite scène dans une vaste arène cosmique (…) On a dit que l’astronomie incite à l’humilité et fortifie le caractère. Il n’y a peut-être pas de meilleure démonstration de la folie des idées humaines que cette lointaine image de notre monde minuscule. Pour moi, cela souligne notre responsabilité de cohabiter plus fraternellement les uns avec les autres, et de préserver et chérir le point bleu pâle, la seule maison que nous ayons jamais connue. »

pale_blue_dot-640x401

Le message venu de Vega, dans le roman, joue un peu, pour Ellie, le même rôle que cette photo prise par Voyager : il est une marque de la relativité de notre position dans l’Univers. Évidemment, depuis maintenant quelques dizaines d’années, il est devenu difficile de prétendre le contraire – que le cosmos n’est qu’un décor peint malicieusement par un quelconque dieu, et que nos sondes s’écraseront forcément un jour contre le carton pâte, à la façon du bateau de Truman qui déchire le mur à la fin du Truman Show de Peter Weir. Mais la présence d’autrui, dans l’immensité, nous rappelle sévèrement à nos obligations : quelqu’un nous regarde, et peut-être, et certainement, nous juge. Le message des étoiles doit nécessairement provoquer un changement en nous, et pour nous. Son contenu n’est finalement pas si important : il aboutit certes à la construction d’une machine, mais celle-ci n’a pas fonctionné au regard des six milliards d’êtres humains qui n’en étaient pas les passagers. Le message compte moins que sa transmission, que le simple fait d’avoir été envoyé. Pour reprendre une formule célèbre du philosophe et sociologue Marshall McLuhan, « le médium est le message » : « (…) en réalité et en pratique, le vrai message, c’est le médium lui-même, c’est-à-dire, tout simplement, que les effets d’un médium sur l’individu ou la société dépendent du changement d’échelle que produit chaque nouvelle technologie, chaque prolongement de nous-mêmes, dans notre vie. » (dans Pour comprendre les médias)

Si, dans son adaptation, Zemeckis « résume » la riche intrigue de Carl Sagan au seul personnage d’Ellie Arroway, en simplifiant par ailleurs certaines de ses contradictions et en finissant par la lier indissolublement à Palmer Joss, son amant d’un instant, et s’il en entortille l’univers narratif autour de sa seule existence (le film s’ouvre sur un travelling cosmique, partant de la planète Terre et traversant les distances interstellaires, jusqu’à ressortir de l’œil d’Ellie enfant – mouvement vertigineux et artificiel auquel l’expérience astronomique d’Ellie adulte fera écho, avec sa plage virtuelle et l’image fantomatique de son père), il choisit ce faisant de laisser de côté l’aspect universaliste du roman, toutes ces tractations internationales qui aboutissent à la fabrication conjointe de la machine. Un seul exemple : là où, dans le livre, cinq personnes peuvent être accueillies dans l’appareil extraterrestre, représentant cinq nations de la planète à égalité, donc cinq ethnies différentes (USA, Union soviétique, Inde, Chine, Nigéria), le film réserve ce droit à Ellie – « Ils veulent toujours faire partir une Américaine » lui glisse l’excentrique Hadden après le décès du candidat numéro un, David Drumlin, lui aussi natif du pays de l’Oncle Sam, phrase que n’aurons pas oublié de noter les mauvaises langues, et à juste titre sans doute. Contact, le film, « américanise » à l’excès un roman qui veille sans cesse, au fil des pages, à s’affranchir de tout nombrilisme idéologique. Autant de chapitres sont consacrés au Consortium mondial de la machine, sorte d’organe des Nations unies voué au déchiffrage du message et à l’exploitation de ses données, qu’au seul cas d’Ellie Arroway. Dès réception du message, avant même l’épisode de l’extrait vidéo montrant Hitler en 1936 ou celui de la découverte des plans de la machine enfouis dans la troisième couche du palimpseste, le vice-secrétaire à la Défense, Mickael Kitz (interprété dans le film par James Wood, ô excellent choix, mais pas autant que de confier le rôle principal à une actrice que l’on aurait cru destinée à endosser le costume d’Ellie : Jodie Foster), Kitz tente immédiatement de militariser l’événement, rencontrant une forte opposition chez Ellie comme chez tous les membres du projet Argus. Sa raison ? N’avoir pas envie de voir une arme extraterrestre, potentiellement destructrice, tomber entre les mains de n’importe qui – sans se douter que « n’importe qui » pourrait tout aussi bien désigner les Américains, du point de vue de toutes les autres nations du monde. La construction de la machine elle-même est soumise à des obligations internationales, considérant son coût hallucinant (plus de mille milliards de dollars) que seules les plus grandes nations réunies peuvent supporter. Sur les deux exemplaires édifiés, un l’est aux USA et l’autre en Union soviétique ; le troisième, bâti en secret par Hadden, se trouve au Japon. On fait difficilement plus cosmopolite.

Contact ouv

Peu importe le contenu du message, puisque celui-ci, simplement en tant que message, change profondément la face du monde – en révélant aux terriens qu’ils ne sont pas seuls dans un Univers bouillonnant d’intelligence, et plus pragmatiquement encore en transformant l’activité industrielle terrestre grâce à l’assemblage de la machine qui occasionne la fabrication de nouvelles usines, dans le but de produire des pièces encore inconnues. Le bond technologique pour nous, humains, en cas de réception de pareils plans extraterrestres, d’un niveau scientifique nécessairement très supérieur, serait tout bonnement impossible à quantifier, et ses effets positifs pourraient s’avérer, pour le moins, fabuleux. Ils modifieraient la face du monde, dans tous les sens du terme.

redPlanetMars

Dans un film daté de 1952, Red Planet Mars, avec lequel Contact entretient de curieux – mais lointains – liens de parenté, le réalisateur Harry Horner, sur un scénario de John L. Balderstone et Anthony Veiller, s’appuie sur la réception d’un tel message extraterrestre, mais venu de plus près : Mars – la planète rouge, l’astre qui a tenu le haut du pavé du cinéma de science-fiction des années cinquante, parce que ceux-ci étaient souvent portés sur la lutte anticommuniste, et parce que celle-ci, de planète, symbolisait alors l’ennemi soviétique, par sa couleur (rouge) comme par son nom (Mars = Marx). Les personnages sont extrêmement codifiés – le scientifique, interprété par le futur patron de Mission : Impossible, Peter Graves ; sa femme, dévote et prosélyte, qui tente d’empêcher son mari d’entrer en contact avec les habitants d’une planète « qui a toujours symbolisé la guerre » (la preuve : le dieu Mars des Romains n’est autre que l’Arès des Grecs, dieu de la guerre dans les deux civilisations) ; et les Soviétiques, volontiers génocidaires (ils organisent l’extermination d’une communauté chrétienne en pleine reformation dans leur pays) et impérialistes, dont l’objectif est de conquérir l’Occident avec les pires intentions. L’environnement du film rappelle les autres séries B du même type produites entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et l’avènement d’une science-fiction plus friquée : quelques appareils en carton pâte, des écrans qui font « bip bip », des radars et des télescopes, deux pauvres photos de la planète Mars avec ses fameux canaux, et surtout une intrigue enfermée entre quatre murs, bureaux ou laboratoires. Mais ce film ahurissant dévide un scénario constamment surprenant, rythmé par des séquences effarantes, et se concluant sur un épilogue franchement culotté. Sans révéler les arcanes de l’intrigue, disons seulement que le message venu d’ailleurs indique aux terriens que les martiens vivent 300 ans et possèdent une source d’énergie infinie, ce qui provoque, sur notre bon vieux bout de sol, d’immenses grèves (si l’on vit 300 ans, faudra-t-il en travailler 270 au moins ?) et des récessions économiques ici ou là (avec une énergie infinie, on peut dire adieu au pétrole ou au charbon qui stimulent nos marchés boursiers). Un extrait de ces communications cite-t-il le sermon sur la montagne de la Bible ? Voilà les orthodoxes qui se réveillent en Union soviétique, déterrent des objets de culte, renversent le pouvoir politique en place et installent un patriarche à la tête de l’empire ! Celui-ci retrouvant immédiatement la paix, suspendue en 1917 par les Bolchéviques (Red Planet Mars, ne l’oublions pas, est un film américain pur jus), au grand bonheur des USA qui gagnent, par forfait, contre leur principal ennemi.

Par un hasard qui n’en est peut-être pas tout à fait un, le sermon sur la montagne, prononcé par Jésus lui-même à destination de ses disciples, est aussi le passage auquel Ellie Arroway fait référence lorsqu’elle déclare, face à l’aveugle croyance de Palmer Joss et de Billy Jo Rankin, que les Saintes écritures peuvent contenir de belles choses – ceci afin de mieux réfuter la réalité de la Bible en appuyant sa beauté poétique ponctuelle, et la renvoyer à sa nature d’artifice créé par l’homme. Le sermon sur la montagne est celui où Jésus encourage, entre autres choses, à tendre l’autre joue et à pardonner. Le message que nous livre Contact – cet autre sermon, non plus religieux mais scientifique (ou naturaliste ? ou panthéiste ?) – est tout aussi plein de tolérance, de bonté et de miséricorde. L’on y voit un biologiste laisser vivre une chenille en affirmant qu’il est « difficile de tuer une créature qui vous a laissé voir sa conscience ». L’on y suit une femme qui, à force d’étudier l’Univers, est passée à côté de son message premier : « Pour les insignifiantes créatures que nous sommes, la vastitude n’est supportable qu’à l’aide de l’amour ». Et l’on peut y lire l’expression d’un panthéisme sublime qui rend à la Nature la place qu’elle mérite depuis toujours : « Nous avons tous soif d’émerveillement. C’est une qualité profondément humaine. Science et religion sont toutes deux liées à l’émerveillement. Ce que je veux dire, c’est que vous n’avez pas besoin d’inventer des histoires, vous n’avez pas besoin d’exagérer. Il y a suffisamment de merveilles et de terreurs dans le monde réel. Lorsqu’il s’agit de fabriquer des merveilles, la nature s’avère bien meilleure que nous ne le sommes. »

Eric Nuevo

« Un Parisien au pays des pingouins », un recueil de récits par Stéphane Ledien

Cet ouvrage aux formes plurielles, aux récits brefs et chaotiques – volontairement chaotiques – peut être abordé comme le brouillon de ces polars que l’auteur nous proposera bientôt : le combat d’un homme contre un ennemi naturel, la Némésis du changement. Le cadre du pitch rappelle les romans policiers venus du Nord de l’Europe, avec neige omniprésente, froid pénétrant et contraste avec la chaleur ambivalente de l’humain. Le narrateur pourrait avoir été extrait d’un livre de Donald Westlake : ironique, sujet au bon mot mais déterminé à mener sa mission à bien. Le titre promet un mystère par opposition : le parisianisme est-il une appartenance nationale problématique en regard de la Belle province québécoise ? Peut-on être pingouin en Amérique du Nord comme on est Parisien (donc animal, forcément) dans l’Hexagone ? Au final, il en est de ce livre comme de ceux-là : on a envie de l’ouvrir collé à sa cheminée, un soir de grande tempête, un breuvage fumant non loin de là. Manquerait plus que la pipe au bec pour conclure le tableau.

Avec beaucoup d’humour et de malice, et une pointe de morale, Stéphane Ledien relate son acclimatation progressive au Québec, son pays d’adoption, pour lequel il a lâchement abandonné ses camarades de Versus. La logique voudrait que l’on se vengeât de lui en pourrissant son ouvrage par tous les angles, idéalement pour le convaincre de revenir s’installer en France. Mais il suffit de tourner quelques dizaines de pages de son recueil de récits pour comprendre que l’auteur, par la voix d’un narrateur qui est à la fois lui-même et un autre, est doublement tombé amoureux dans la Belle Province – d’une femme et d’un paysage, d’un esprit et d’un décor. Sûr que la région parisienne a du mal à tenir la comparaison. Les fameux pingouins du Canada – fantasmés, en vérité, par les amis de l’expatrié dès qu’ils entendent parler de ces lointaines et froides contrées – valent bien mieux que les ours du métro parisien (ils grognent et mettent des coups de patte pour se défendre) et les requins sortis des écoles de commerce (ils pensent que le secret de l’existence réside dans la meilleure manière de pourrir la vie des autres). Dans ce vaste zoo qu’est le monde, il faut bien choisir son écosystème.

Stéphane nous raconte comment il a pleinement adopté le sien, laissant de côté les bons aspects de la vie française – la multiplicité des fromages et l’interminable logorrhée du frenchie désireux de débattre – tout en se débarrassant avec plaisir des plus mauvais – les « jackie » de banlieue et la tendance à se plaindre de tout, tout le temps, toujours. A le lire, on a parfois la sensation que le Québec est un lieu plus simple, mais au bon sens du terme : où l’on se bat moins contre des moulins pour profiter plus, et mieux, de ce que nous donne la vie. Don Quichotte revenant à la lecture de ses romans de chevalerie. Rencontres, concerts, balades près du Saint-Laurent… Même la consommation de vin semble atteindre au paroxysme de l’essentiel lorsque, sur une étiquette de bouteille, on peut lire : « Se boit avec tout type de plat ». Il y a, dans la manière de vivre d’un Français, une complexité – pour ne pas dire une préciosité – dont on ne peut prendre conscience que lorsqu’elle est montrée de l’extérieur. Il y a, dans la façon d’être d’un Québécois, un naturel et une bonté qui reflètent avec grâce la splendeur ingénue des paysages. Territoire vaste et libre, esprits affranchis.

Si l’on peut être déçu de ne pas trouver ici de narration véritable, avec début, milieu et fin, avec suspense et vilain et rebondissement de dernière minute, si l’on peut regretter que la brièveté des récits encourage l’auteur à chercher parfois avec ostentation le « bon mot » qui conclue un paragraphe sur une note nécessairement humoristique, il n’empêche que Un parisien au pays des pingouins raconte vraiment quelque chose. Ce roman caché, c’est un récit sur le langage et le pouvoir du langage, l’histoire tumultueuse et tourmentée des mots et des phrases, un duel perpétuel entre le français de France et le français de là-bas, identique et différent tout à la fois. L’échange confine parfois à la casuistique : appliquer le sens théorique d’un mot ou d’une expression à une réalité tangible, par exemple lorsqu’il s’agit d’adapter son habillement et ses appellations nouvelles à la roideur effective du froid canadien – mitaines, tuque, foulard. L’idée devient fait, le langage se fait substance. En cela, l’ouvrage serait presque un guide destiné non seulement aux futurs transfuges mais également à tous les poètes du paysage, à ceux qui usent des termes pour matérialiser la beauté d’un environnement.

C’est ce qu’il faut retenir du livre de Stéphane Ledien, et pas seulement parce qu’il est notre collaborateur versusien (car le cinéma en est quasiment absent) : il est moins recueil que guide, moins roman que traité sur le langage, moins chronique qu’exploration poétique d’un paysage. Derrière la badinerie manifeste de certains paragraphes, derrière la légèreté assumée de quelque propos pointe la souplesse et la précision du regard de l’écrivain en quête d’un monde nouveau à observer, au-dedans comme au dehors de lui-même. Chacun de ses micro-récits donne à entrevoir un microcosme amené à se développer, chacune de ses phrases laisse émerger la promesse d’un écrivain déjà sûr de lui. En somme, le Parisien au pays des pingouins prouve en un tour de main qu’il n’est certes pas manchot.

Eric Nuevo

Un Parisien au pays des pingouins, Montréal, Lévesque éditeur, 168p.